David Kimelfeld - LyonMag
Elle est coordinatrice générale de Médecins du Monde dans le Rhône, elle sait très bien ce qu’elle va dire. La réunion de ce mardi est prévue depuis longtemps, elle aurait dû avoir lieu il y a bien longtemps. C’est à l’IDEF (Institut Départemental de l’enfance et de la Famille) dirigé par Christophe Marteau que la mise en commun des acteurs de l’accueil aux Mineurs Non Accompagnés (MNA) se déroule.
Sur l’estrade, il y a ce qu’il faut de politiques et d’administratifs, éblouis par la lumière du video-projecteur qui affiche le même message depuis une heure : "que fait ma structure sur le sujet des MNA" ? Autour de David Kimelfeld, le Président de la Métropole de Lyon, moins souriant que d’habitude, son nouveau conseiller sur la question des MNA, Pascal Isoard, la directrice de la Méomie, le directeur de l’Aide Sociale à l’Enfance.
Coralie Roze se crispe sur son téléphone. Mauvaise journée. Elle devait être écoutée, enfin. Ce 29 mai, avec sa petite bande : Clélie Mercier, Benjamin Frérot, Romane, elle devait être reçue.
Au lieu de quoi elle se tient, là, sur l’étroit trottoir du boulevard Berthelot étouffée par le flot des voitures, à tenter de rassembler et rassurer les mineurs qui se font sortir un à un par les gendarmes du squat de l’impasse des Chalets (Lyon 7e) qu’ils occupaient depuis plusieurs semaines. La Justice avait donné le droit à la Mairie de Lyon de procéder à l’expulsion en décembre dernier. Mais depuis, un recours avait été déposé auprès du Juge de l’Exécution qui devait rendre sa décision en juillet. Coralie espérait tenir jusque-là.
Ce squat "gérait" 50 MNA, deux fois plus que Forum Réfugiés dans le 1er arrondissement. Deux fois mieux ? Elle envoie des SMS en demandant des "renforts". Elle s’est rappelée aussi qu’elle devait rendre ce mardi matin un devoir à sa prof de sociologie. Mais pour l’expulsion, elle devrait faire quoi ?
Laure Courret a le micro. En quelques mots précis, elle déroule l’argumentaire de Médecin du Monde : "la difficulté de prendre décisions médicale pour des MNA qui n’ont plus - par définition - de responsable légal" mais aussi "la difficulté de l’accès au soin pour ces mineurs" et encore "l’accélération du nombre de consultation au cours des derniers mois".
Rien de ce que dit Laure n’est long ou ennuyeux. Mais une forme d’inattention a secoué l’estrade à qui elle parle. Le conseiller Pascal Isoard rentre et sort du petit amphi.
David Kimelfeld, concentré sur son téléphone qu’il ne lâche pas, envoie des textos en rafale. Laure ne se démonte pas. Elle fait partie d’une association qui n’a pas besoin de reconnaissance. Elle passe le micro aux derniers bénévoles du collectif A.M.I.E.
Les portes de l’amphi de l’IDEF s’ouvrent. Coralie Roze et Clélie Mercier sont entrées.
David Kimelfeld se lève, son téléphone posé devant lui. Il voit bien le malencontreux télescopage entre sa réunion du 29 mai en forme de projet pour une meilleure collaboration entre les associatifs et les services de la Métropole qu’il dirige et cette expulsion, exactement en même temps, par la Préfecture. Cinquante mineurs isolés à la rue. Le même jour !
Il prend le micro de la salle et se met debout : "Je vais redonner la parole à Christophe Marteau de l’IDEF. Mais avant je veux saluer l’arrivée des étudiants. Vous étiez invités à cette réunion et vous n’avez pas pu venir à cause de cette expulsion. Je veux m’excuser d’avoir été sur mon téléphone, c’était pour gérer ce moment difficile. Je viens de demander au maire de Lyon que les locaux du squat de l’impasse des Chalets ne soient pas sécurisés. C’est-à-dire que vous puissiez rentrer dedans dès que possible. En tout cas pour ceux d’entre les mineurs dont le dossier n’a pas été rejeté. Pour ces derniers en revanche …"
Pour Coralie, Clélie et les étudiants qui gèrent ce squat, cette déclaration est une victoire. Tranquillement Clélie prend quand même la parole pour dénoncer la destruction du garde-manger privatif des mineurs au moment de l’expulsion, dans le squat. "On va prendre les problèmes un par un", répond en souriant David Kimelfeld. La réunion est terminée. A la sortie de l’IDEF les Mineurs expulsés sont là, des gendarmes, la presse aussi. Coralie et Clélie annoncent à tous la bonne nouvelle. Le petit groupe repart impasse des Chalets.
Douche froide. La société chargée de "sécuriser" les lieux du squat n’a pas traîné. Chaque pièce a été équipée d’alarme volumétrique reliée par Bluetooth à une centrale électronique, elle-même reliée en 4G à l’ordinateur de la société de surveillance. Puis toutes les issues ont été bloquées. Des plaques de métal soudées partout rendent impossible le retour dans le squat.
Pascal Isoard s’agite au téléphone. Plus personne ne semble se souvenir des paroles de David Kimelfeld qui n’ont pourtant pas plus de deux heures. Pourtant une solution va être proposée aux Mineurs : un relogement, un foyer. Clélie monte sur un plot de l’avenue Berthelot pour expliquer aux jeunes qui se rassemblent autour d’elle : "Vous pourrez sortir, vous aurez de l’eau, de l’électricité, vous ne serez pas obligé de travailler". Un temps. "Vous avez des questions ?".
Les jeunes Africains la regardent, les yeux un peu vagues, avec quand même une force de la jeunesse qui espère encore. L’un d’entre eux "On peut avoir confiance ? Je ne sais pas si on peut leur faire confiance". Clélie sourit : "Moi non plus je ne sais pas si je peux leur faire confiance. Mais on n’a pas d’autres solutions". Coralie a les yeux baignés de larmes. Elle doit s’occuper de trouver une solution pour les 5 mineurs qui n’auront pas de place dans ce foyer la Métropole considère qu’ils sont majeurs. Et le temps presse, son employeur l’attend. Les deux petits groupes se mettent en marche.
Epilogue. Mail de la Métropole : "A cette heure [17h45], 35 MNA sont arrivés à la résidence gérée par foyer notre dame des sans abris (…) demain les mineurs seront pris en charge par forum réfugiés pour réalisation de leur évaluation".
Oui. C'est très difficile à établir dans le cas des ces mineurs qui ont fui leur pays
Signaler Répondre« Une solution pour les 5 mineurs qui n’auront pas de place dans ce foyer la Métropole considère qu’ils sont majeurs »
Signaler RépondreJe croyais si savoir ce qu’était être majeur mais visiblement cela n’est pas si simple ?!
« Vous ne serez pas obligés de travailler » ça veut dire quoi ?
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