Dans l'académie de Lyon, près de 30 000 élèves ont déjà obtenu une ou plusieurs réponses positives, et environ 11 000 sont encore sur liste d’attente. L’occasion de faire le point sur le nouveau dispositif Parcoursup.
APB, une plateforme décriée mais qui restait pertinente
Depuis cette année, les élèves de terminale passent par le dispositif Parcoursup pour intégrer l’enseignement supérieur. Si vous n’êtes pas parents d’élèves ou élèves de terminale cette année, cela ne vous parlera peut être pas trop mais les concernés vivent des moments particulièrement angoissants. Parcoursup est une plateforme nationale d’admission dans les formations d’enseignement supérieur et succède à APB (pour Admission PostBac) depuis cette année. Mais pourquoi une nouvelle plateforme ?
La plateforme APB, lancée en 2009 a connu bien des déboires. Pour les candidats et leur famille, il reste "synonyme de difficultés", "liées à l’obligation de faire des choix personnels dans un temps limité et d’ordonner des vœux "à l’aveugle", sans connaissance des chances de succès à l’admission et sans compréhension complète du fonctionnement des algorithmes".
Néanmoins, avec APB, près de 80 % des étudiants disposaient d’une affectation avant de passer le bac grâce à la hiérarchisation des vœux (24 au maximum). Les responsables de filières entraient le nombre de places disponibles dans leur(s) cursus et laissaient ensuite les affectations se faire. Quand la demande était supérieure à l’offre, et après avoir épuisé tous les critères, l’algorithme procédait à un tirage au sort pour départager les élèves ayant obtenu le même classement. Alors oui, bien sûr, c’est moralement injuste. Mais que faire d’autre ?
Une sélection….décentralisée
Malgré ce principal défaut APB était perçu comme plus cohérent avec le principe de libre accès à l’université. De même, il permettait de libérer plus rapidement des places lorsqu’un candidat était accepté pour l’un de ses premiers vœux, car toutes ses autres demandes moins prioritaires étaient annulées. D’ailleurs, l'algorithme qui était utilisé par APB, dit de "Gale Shapley" est reconnu comme le meilleur algorithme d'affectation. Il est d’ailleurs encore utilisé aujourd’hui par la majorité des écoles d’ingénieur pour leur recrutement.
Contrairement à APB, Parcoursup donne la possibilité à chaque formation d’introduire ses propres critères de sélection. Il est attendu des futurs étudiants doivent une lettre de motivation et un CV appelé "projet de formation motivé". Sur le principe, une bonne idée. Mais dans les faits ? Comment est-il possible de porter une attention à chacun des dossiers ? Certains calculs ont démontré que cela représentait près de 350 000heures de travail, soit 2300 postes à temps complet pendant un mois, à raison de 3 minutes par dossier pour chacun des 7 millions de vœux. Impossible !
C’est là que les universités et autres formations post-bac sont alors obligées de mettre en place des algorithmes "maison" pour faire eux-mêmes la sélection faite auparavant par APB. Il faut bien distinguer l’aspect technique à gérer (comment faire face à un afflux d’étudiants de plus en plus important avec un nombre de places qui lui ne croît pas ou très faiblement?) et la volonté de donner une chance à chacune et chacun de concilier choix d’étude avec succès.
La parade a été toute trouvée pour ce qui est du changement avec l’ancienne procédure, on ne hiérarchise plus ses vœux !! Et ce simple changement a des conséquences directes et fort dommageables pour les élèves moyens ou en deçà. En clair, dorénavant, ce seront les universités qui feront leur choix d’étudiants. Le processus de sélection flagrante est alors enclenché car forcément à partir du moment où telle filière sera demandée –et certaines bien plus que d’autres-eh bien on choisira les tous meilleurs élèves.
L’étudiant peut faire jusqu’à dix vœux mais évidemment tous les vœux ne se valent pas. Les enseignants les premiers peuvent inciter les élèves à ajouter quelques vœux pour s’assurer une place à la rentrée prochaine. A partir de là, l’étudiant pourra avoir un "oui" sur un vœu peu désiré et un "non" ou un "en attente" sur un vœu plus souhaitable.
En supprimant l’obligation de hiérarchiser les vœux, les candidats avec un bon dossier se retrouveront avec une multitude de propositions, tandis que ceux avec un dossier plus faible seront automatiquement placés en liste d’attente. Là où l’ancien système assurait la formation la plus haute dans les choix. En fait, l’étudiant dépose ses résultats et ses motivations dans un grand panier (bulletins de notes, fiche avenir, lettre de motivations, etc…) et 10 filières viennent y faire leurs emplettes. Bienheureux les premiers de cordée, quant aux autres ils attendront leur tour.
Au vu de tous ces éléments il est légitime de s'attendre à au moins à beaucoup de frustration lors de la révélation des premiers résultats d'affectation. Un candidat moyen venant d'un lycée moyen risque d'attendre pas mal de temps pour avoir ne serait-ce qu'un de ses vœux (qui ne sera sans doute pas son vœux le plus désiré) et soit contraint de donner une réponse par défaut. Ceux qui le pourront se réfugieront dans le privé.
Avec Parcoursup, la sélection est définitivement entérinée. Avec le temps, l’idée d’un enseignement supérieur sélectif dès son entrée va faire son chemin et finira bien par être accepté.
L’Etat fera des économies, l’enseignement supérieur se rationnalisera par lui-même (l’état paiera pour un potentiel et de réelles prédispositions) et l’enseignement privé sera encore plus florissant.
Des moyens, et vite !
On se rend bien compte que les étudiants n’ont désormais plus le droit à l’erreur. La sélection au sein des établissements risque de donner lieu à un renforcement des inégalités car on sait pertinemment que chaque établissement a sa réputation et que tous ne se valent pas. Et puis, on demande clairement aux "recruteurs", de prédire la réussite d’un étudiant. Compliqué non ? Sachant que certaines fois, les attendus spécifiés pour chaque filière, s’acquièrent justement au cours de la formation.
Pour résumer, Parcoursup devrait avoir davantage avoir de conséquences néfastes que le contraire.
Des délais d’attente extrêmement longs pour les candidats, dévalorisation, démotivation, fuite possible de certains vers l’enseignement supérieur privé de peur d’être retenu nulle part, renforcement de l’avantage donné aux meilleurs étudiants qui vont monopoliser les premières places de l’ensemble des formations, surcroit de travail évident pour l’ensemble des équipes pédagogiques déjà largement sollicitées en cette période ou encore risque d’un équilibre sous-optimal (deux candidats peuvent être recrutés à la place que l'autre enviait).
Au rectorat de Lyon, depuis début Juin, une Commission d’accès à l’enseignement supérieur examine, un à un, les dossiers des élèves n’ayant reçu que des réponses négatives à leurs vœux d’orientation. La commission a été saisie par 400 candidats malheureux.
Alors oui le taux d’échec en 1ère année de licence est bien trop haut et il fallait réagir. Pour autant, le système d’enseignement supérieur en France reste très performant et le taux d’échec en 1ère année de licence ne saurait tout résumer. 80% des étudiants du supérieur sortent avec un diplôme quatre ans après leur bac.
Et puis, pourquoi ne s’intéresse-t-on pas davantage au taux d’échec en PACES (première année commune aux études de santé) qui lui atteint près de 85% ? Là, ça ne choque personne.
La réalité, que résume bien Thomas Piketty sur son blog, est que depuis 10 ans, le budget de l’enseignement supérieur a augmenté de 10 % alors que le nombre d’étudiants a augmenté lui de 20 %. Le tirage au sort est le résultat de la pénurie de places dans l’enseignement supérieur public et c’est cela qui devrait nous alerter.
Dans le même temps, les concours de l’enseignement n’attirent plus (on envisage même de recruter à bac+3 et plus bac +5), les conditions d’exercice sont plus difficiles, on réduit le nombre de conseillers d’orientation-psychologue…
Quel que soit son nom, un simple outil informatique ne saurait résoudre la question, toute politique, de la sélection à l’université. Les élèves de terminale de cette année auront l’impression avec le temps d’avoir passé Parcoursup et non pas le Baccalauréat. Pour détourner la phrase de Rimbaud, si, il faudra dorénavant être sérieux à 17 ans.
Issam Benzeghiba
Elu à Meyzieu, Professeur Agrégé d’Economie
en effet pacroussup c'est pas top mais bon, il fallait bien faire quelque chose.
Signaler RépondreIl faut en finir avec l'entre-soi de certaines formations. Les bagues en or aux armes de la famille d'origine et les étudiants qui habitent à quelques maisons les uns de autres. Les meilleurs élèves des lycées de banlieues et du péri-urbain doivent pouvoir truster toutes les filières. Aucune confiscation de l'enseignement supérieur au moyen du dit "parcours sup" au profit d'un groupe sociologique ne doit être admis (fut il celui qui a voté LREM).
Signaler RépondreJe me faisais la même réflexion. En l'absence de coefficient de pondération permettant de distinguer les bons lycées des mauvais, une prime est donnée aux cancres de banlieue.
Signaler RépondreN'oublions pas qu'un élève en milieu de classe aux Chartreux a toute les chances d'avoir une mention très bien au bac... Alors que dans d'autres lycée même le premier de sa classe ne l'aura pas...
On espère que les différentes formations ont prévu de corriger les résultats de parcoursup avec des coefficients d'harmonisation, parce que sinon sur la photo de promo, ça risque de donner un air de famille !
Signaler RépondreEn effet ma fille na pas voulu attendre et à opte pour une licence alors quelle demandait à la base un IUT. Elle était proche sur la liste dattente mais avait peur detre prise nulle part donc elle s'est précipitée pour valider son choix
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