Un présage d’avance

Souviens-toi, Gérard Collomb, de ce que tu disais à propos de l’affaire du Sofitel frappant DSK à quelques mois de la présidentielle de 2012 : "Moi qui suis prof de grec, c’est un peu une tragédie grecque où le héros attaché à son destin va tomber dans le trou malgré tout" (cité par Régis Guillet dans "Le Baron rebelle"). Je viens en ami, Gérard, moi aussi j’ai vu les signes. Les dieux ne veulent pas de ton association "Prendre un temps d’avance". Je suis leur messager. Les gens autour de nous ne peuvent pas comprendre, tu sais comme ils sont incrédules.

Déjà ton ami Tite Live (né en - 64 avant JC) s’en plaignait : "non sum nescius ab eadem neclegentia, quia nihil deos portendere vulgo nunc credant…" Je ne traduis pas pour toi, tu lis le latin parfaitement. Mais pour les autres, Tite Live dit : "Je sais bien que comme aujourd’hui plus personne ne croit aux messages divins, on n’en parle plus en public, on ne les rapporte plus dans les journaux".

Mais ces messages sont là quand même.  C’est le destin qui m’a fait croiser ta route devant l’hôtel Charlemagne (Lyon 2) où j’étais venu pour rendre compte de l’Assemblée Générale de réunification des deux partis radicaux. Je n’ai pas compris tout de suite ; sidéré, je suis resté en mode papatte levée : que venaient faire Anne Brugnera et Guy Corrazol à l’Assemblée de réunification du Parti Radical ? L’une est députée de Lyon, l’autre adjoint à l’Education de la ville. Aucun des deux n’est connu pour son radicalisme !  J’entrevois le scoop. Je sors discrètement mon téléphone pour garder une preuve. Un homme s’interpose : "La réunion est privée", dit-t-il gentiment.

Je piaille un peu, flairant l’erreur : un congrès de réunification après 47 ans de brouille, ça demande bien un peu de présence presse, non ? "Il n’y a rien pour vous ici", insiste Roland Bernard qui vient d’apparaître comme par magie (Roland Bernard a un rapport avec la politique du 2e arrondissement de Lyon). Mes cheveux s’ébouriffent du vent que je viens de prendre. Georges Képénékian, le maire de Lyon, a pitié de moi : "Je vous parle de tout ce que vous voulez, moi". Richard Brumm, l’adjoint aux finances de Lyon, nous tourne autour. A moins qu’il veuille parler au maire ? Je crois que oui, je ne suis pas au bon endroit.

Au lieu de la naissance du Mouvement Radical Social et Libéral, je suis en train d’assister à la réunion de lancement de "Prendre un temps d’avance" de Gérard Collomb.  D’un air digne je sors de l’hôtel Charlemagne et c’est là que j’ai croisé le premier oiseau de cette histoire. Renseignement pris, le Parti Radical avait VRAIMENT réservé l’hôtel Charlemagne en premier. "Prendre un temps d’avance" est arrivé ensuite. Et là, Gérard, tu as joué au Coucou Gris (en latin : cuculus canorus) que la mère dépose dans un nid et qui expulse de ce nid tous les autres oisillons. Le plus ancien des partis de France a renoncé et s’est déplacé jusqu’à l’Axhotel à 100 mètres de là. J’y vais d’un pas tranquille.

C’est quand je suis arrivé dans la rue Delandine que le signe final m’est apparu. J’ai mis la photo pour que tu me crois : un oiseau mort barrait ma route. Tu te souviens des augures qui prennent les auspices en observant le vol des oiseaux ?  Dans Tive Live encore (Livre II, Chapitre 43) "Les devins, que consultent et l'Etat et les particuliers, sur les entrailles des victimes et sur le vol des oiseaux …"

Un oiseau mort, ce n’est pas bon Gérard, ça doit voler, un oiseau. Ecoute le présage : la rue Delandine est à deux pas de la rue Charlemagne, de l’endroit où tu as lancé ton association. Bien sûr, tu pourrais dire que le présage concerne les Radicaux, car l’oiseau était encore plus proche de chez eux, de leur hôtel. Mais ce sont des laïcs obstinés ceux-là. Ils ne croient pas aux messages des Dieux. Toi tu sais. Et fais-moi confiance : la prochaine fois que je mange du poulet, je regarderai le message que les Dieux t’envoient par mon intermédiaire.

Romain Meltz

@lemediapol