Karaté : un ex-élu lyonnais au coeur d’un scandale financier

Jeudi dernier, Mohamed Benzaoui avait rendez-vous avec les enquêteurs de la police judiciaire. La rencontre n’a rien d’une visite amicale pour celui qui, en tant que membre du groupe Lyon Divers Droite siégeait encore à l’automne dernier au conseil du 3^e arrondissement de Lyon. Il a démissionné lorsque l’affaire a éclaté après la découverte de très importants détournements financiers au préjudice de ces deux structures.

Voilà en effet plusieurs mois que la justice s’intéresse aux finances de la ligue régionale Auvergne-Rhône-Alpes et de la Zone interdépartementale Rhône- Alpes qui chapeautent régionalement les clubs locaux de karaté. À l’origine de l’enquête, on trouve les plaintes déposées par les deux présidents de ces structures : en l’occurrence Francisco Martinez pour la Ligue et Abdel Achache (par ailleurs premier adjoint au maire du 3e arrondissement) pour la Zone interdépartementale.

Apprécié de tous ceux qui le connaissent, Mohamed Benzaoui occupait les fonctions de trésorier dans les deux structures. Que s’est-il passé ? L’enquête en cours devrait permettre d’en savoir plus.

Tout ce que l’on sait pour l’instant, c’est que le trésorier a visiblement confondu la trésorerie des associations sportives et ses finances personnelles. Des sommes importantes – on parle de plus de 200 000 euros – auraient ainsi été ponctionnées au fil du temps. Ce qui est rare dans ce genre d’affaire, c’est que Mohamed Benzaoui ne cherche pas à fuir ses responsabilités. Selon son avocat maître Jean-Christophe Basson-Larbi, il a la volonté de rembourser les sommes détournées.

On l’imagine aisément, cette affaire a fait l’effet d’un Mawashi-geri dans l’univers des karatékas. Il est vrai que l’ambiance était déjà sérieusement plombée avant même que ne soit révélée cette histoire de gros sous. Le président Francisco Martinez est loin de faire l’unanimité. Il est d’ailleurs l’objet de plusieurs plaintes, dont une émane d’une jeune sportive Anissa Hidri qui, lors de la dernière assemblée générale de début janvier, l’a une nouvelle fois mis en cause publiquement.

Ceux qui ont assisté à cette réunion, ainsi qu’à la précédente assemblée générale d’octobre ont pu constater que l’ambiance est loin d’être au beau fixe. Les karatékas sont remontés depuis qu’ils ont appris que l’ancien trésorier a allègrement pioché pendant plusieurs années dans les comptes qui sont largement alimentés par leurs cotisations.

Pour eux, Mohamed Benzaoui n’est pas le seul responsable. Ils reprochent à Francisco Martinez et Abdel Achache un sacré manque de vigilance. Il est vrai que Mohamed Benzaoui a été livré à lui-même ; pourtant, selon les statuts, les présidents Martinez et Achache auraient dû contrôler les comptes, ce qui aurait probablement permis de découvrir bien plus tôt le pot-aux-roses.

Lors de la dernière assemblée générale, le président national Francis Didier avait fait spécialement le déplacement ; il a évoqué "les fautes de gouvernance" devant un public particulièrement remonté contre Martinez et Achache. Ce dernier ne conteste pas qu’il aurait dû effectivement se montrer plus vigilant et ne pas laisser le trésorier agir sans le moindre contrôle.

Tout laisse à penser que cette affaire ne fait que commencer. Les langues se délient. Un temps membre du conseil d’administration, Anissa Hidri a constitué un dossier fort instructif qui fait ressortir de nombreuses anomalies. Elle est en conflit avec Francisco Martinez contre lequel elle a déposé deux plaintes. Un site internet baptisé Le karaté met son gilet jaune n’est pas tendre avec Francisco Martinez surnommé Paco à la mairie de Vaulx-en-Velin où il travaille. Sous le titre éloquent "L’histoire d’un magouilleur", le président de la Ligue régionale en prend pour son grade. Une pétition demandant sa démission a été mise en ligne. Il est écrit : "Magouilles, détournements, vols, mensonges, tout ça ce n’est pas le karaté ce n’est pas nous mais c’est paco martinez. Le karaté c’est l’honneur, la fidélité, la sincérité, le courage, la bonté, la bienveillance, la modestie, l’humilité, la droiture, le respect, le contrôle de soi. Martinez ne représente pas ces valeurs il ne respecte aucun code aucune règle. Exigeons sa démission car il n’est pas notre digne représentant."

Pour l’instant, la pétition n’a obtenu qu’un peu plus de 500 signatures, ce qui reste modeste face aux 25 000 adhérents que comptent les 400 clubs dans la région. Bien informés, les rédacteurs de ce site reviennent sur les conditions dans lesquelles l’ancien président Michel Cipriotis fut proprement écarté.

Visiblement, les karatékas n’ont pas gagné au change. À l’époque de Cipriotis, les comptes de la Ligue ne posaient aucun problème. Il explique aujourd’hui qu’il y avait pas moins de 150 000 euros dans les caisses de la Ligue et du CCRAK (comité de coordination Rhône- Alpes karaté) quand il a quitté son poste.